Qu’est-ce que l’anacoluthe?
L’anacoluthe est une rupture dans la construction d’une phrase. Elle est formée de deux parties de phrase qui sont syntaxiquement correctes, mais dont la séquence donne une phrase syntaxiquement anormale ou déviante. Le rédacteur commence une phrase en fonction d’une structure et la finit selon une autre structure.
Il existe plusieurs cas d’anacoluthe. Les plus fréquents sont les suivants :
- Absence de sujets là où c’est nécessaire (dans une proposition participiale – comprenant un verbe conjugué au participe présent ou au participe passé – ou dans une proposition infinitive – comprenant un verbe à l’infinitif).
- Exemples :
En jouant seule avec sa poupée, les autres enfants se sont approchés d’elle pour lui tenir compagnie (proposition participiale – comprenant un verbe conjugué au participe présent).
Assis confortablement sur leur siège, leur mère démarra la voiture (proposition participiale – comprenant un verbe conjugué au participe passé).
Pour connaitre le solde de son compte, le préposé demande au client de composer son numéro d’accès (proposition infinitive – comprenant un verbe à l’infinitif).
- Exemples :
- Coordination d’éléments à régime différent (zeugme).
- Exemples :
Pierre veut voir et parler à Marie (coordination de verbes à régime différent – dont le type de complément est différent).
Habilité et pressé d’administrer le médicament au patient, l’infirmier a commis une erreur impardonnable (coordination d’adjectifs qualificatifs à régime différent – dont le type de complément est différent).
- Exemples :
- L’apposition qui ne précède ni ne suit directement le mot auquel il se rapporte.
- Exemple :
À la fois resplendissante et émerveillée, son père était si fier d’elle.
Reprenons maintenant chacun des exemples fautifs pour expliquer en détail l’erreur de chacun d’eux et les corriger.
A. Anacoluthe présente dans une proposition participiale (comprenant un participe présent)
En jouant seule avec sa poupée, les autres enfants se sont approchés d’elle pour lui tenir compagnie.
Cette phrase est fautive parce que la proposition participiale « en jouant seule avec sa poupée » et la proposition principale « les autres enfants se sont approchés d’elle pour lui tenir compagnie » n’ont pas le même sujet et que le sujet n’est pas mentionné dans la proposition participiale, soit celle en début de phrase. En effet, le sujet sous-entendu de la proposition participiale « En jouant seule avec sa poupée » est « la petite fille », tandis que le sujet de la proposition principale « les autres enfants se sont approchés d’elle pour lui tenir compagnie » est « les autres enfants ».
Il existe quelques façons de corriger ce type d’erreur, dont les trois suivantes :
- Mentionner de façon explicite le sujet dans la proposition participiale parce que le sujet est différent de la proposition principale.
- Correction : Comme Sara jouait seule avec sa poupée, les autres enfants se sont approchés d’elle pour lui tenir compagnie.
- Transformer la proposition subordonnée participiale de façon à ce que le sujet fasse référence à « les autres enfants ».
- Correction : Lorsqu’ils ont vu Sara jouer seule avec sa poupée, les autres enfants se sont approchés d’elle pour lui tenir compagnie.
- Transformer la proposition principale, de sorte que le sujet soit le même que celui sous‑entendu dans la proposition principale, soit « Sara ».
- Correction : En jouant seule avec sa poupée, Sara pensait à sa petite sœur qui était à l’hôpital en ce moment. (Quel est le sujet de « jouant »? = Sara (sujet sous-entendu). La phrase est correcte parce que le sujet est le même dans les deux propositions.)
B. Anacoluthe présente dans une proposition participiale (comprenant un participe passé)
Assis confortablement sur leur siège, leur mère démarra la voiture.
Cette phrase est fautive parce que la subordonnée participiale « assis confortablement sur leur siège » et la proposition principale « leur mère démarra la voiture » n’ont pas le même sujet et que le sujet n’est pas mentionné dans la proposition participiale, soit celle en début de phrase. En effet, le sujet sous-entendu de la proposition participiale « assis confortablement sur leur siège » est « les enfants », tandis que le sujet de la proposition principale « leur mère démarra la voiture » est « leur mère ».
Il existe quelques façons de corriger ce type d’erreur, dont les trois suivantes :
- Mentionner de façon explicite le sujet dans la proposition participiale parce que le sujet est différent de la proposition principale.
- Correction : Une fois que les enfants furent confortablement assis sur leur siège, leur mère démarra la voiture.
- Transformer la proposition subordonnée participiale de façon à ce que le sujet fasse référence à « leur mère ».
- Correction : Après que la mère eût vu ses enfants confortablement assis sur leur siège, elle démarra la voiture.
- Transformer la proposition principale, de sorte que le sujet soit le même que celui sous‑entendu dans la proposition participiale.
- Correction : Une fois confortablement assis sur leur siège, les enfants virent leur mère démarrer la voiture. (Quel est le sujet de « assis »? = les enfants (sujet sous-entendu). La phrase est correcte parce que le sujet est le même dans les deux propositions.)
C. Anacoluthe présente dans une proposition infinitive (comprenant un verbe à l’infinitif)
Pour connaitre le solde de son compte, le préposé demande au client de composer son numéro d’accès.
Cette phrase est fautive parce que la proposition infinitive « pour connaitre le solde de son compte » et la proposition principale « le préposé demande au client de composer son numéro d’accès » n’ont pas le même sujet et que le sujet n’est pas mentionné dans la proposition infinitive. En effet, le sujet sous-entendu de la proposition infinitive « pour connaitre le solde de son compte » est « client », tandis que le sujet de la proposition principale « le préposé demande au client de composer son numéro d’accès » est « le préposé ».
Il existe quelques façons de corriger ce type d’erreur, dont les trois suivantes :
- Mentionner de façon explicite le sujet dans la proposition participiale parce que le sujet est différent de la proposition principale.
- Correction : Pour que le client puisse connaitre le solde de son compte, le préposé lui demande de composer son numéro d’accès.
- Transformer la proposition subordonnée infinitive de façon à ce que le sujet fasse référence à « préposé ».
- Correction : Pour que le préposé puisse avoir accès au compte, il demande au client de composer son numéro d’accès.
- Transformer la proposition principale, de sorte que le sujet soit le même que celui sous‑entendu dans la proposition principale.
- Correction : Pour connaitre le solde de son compte, le client compose son numéro d’accès.
D. Anacoluthe présente dans la coordination d’éléments à régime différent (zeugme).
- Pierre veut voir et parler à Marie (coordination de verbes à régime différent – dont le type de complément est différent).
- Cette phrase est fautive parce que la conjonction de coordination « et » qui sert à lier des éléments de même niveau syntaxique lie ici deux verbes à régime différent. En effet, les verbes « voir » et « parler » ne peuvent être coordonnés parce qu’ils ne sont pas suivis du même type de complément : le verbe « voir » doit être suivi d’un complément direct (que l’on obtient en posant les questions « qui? » ou « quoi? » après le verbe – Pierre veut voir « qui? »), tandis que le verbe « parler » doit être suivi dans cette phrase d’un complément indirect (que l’on obtient en posant les questions « à qui? », « à quoi? », « de qui? », « de quoi? » après le verbe – dans ce cas-ci la question « à qui? » est de mise – Pierre veut parler « à qui? ».
- Pour corriger cette structure fautive, il suffit de faire suivre le premier verbe du complément et de lier un autre complément – souvent un pronom personnel complément – au deuxième verbe.
- Correction : Pierre veut voir Marie et lui parler. (Nous avons fait suivre le premier verbe « voir » du complément « Marie » et avons lié le pronom personnel complément « lui », qui correspond également à Marie, au verbe « parler ».)
- Habilité et pressé d’administrer le médicament au patient, l’infirmier a commis une erreur impardonnable (coordination d’adjectifs à régime différent – dont le type de complément est différent).
- Cette phrase est fautive parce que la conjonction de coordination « et » qui sert à lier des éléments de même niveau syntaxique lie ici deux adjectifs à régime différent. En effet, les adjectifs « habilité » et « pressé » ne peuvent être coordonnés parce qu’ils ne sont pas suivis du même type de complément : l’adjectif « habilité » doit être suivi de la préposition « à » (être habilité à faire quelque chose), tandis que l’adjectif « pressé » doit être suivi de la préposition « de » (être pressé de faire quelque chose).
- Pour corriger cette structure fautive, il suffit de faire suivre le premier adjectif de la bonne préposition – dans ce cas « à » – ainsi que du complément et de lier l’autre adjectif à la préposition exigée ainsi que d’un complément – souvent un pronom personnel complément.
- Correction : Habilité à administrer le médicament au patient, mais trop pressé de le faire, l’infirmier a commis une erreur impardonnable. (Nous avons fait suivre le premier adjectif « Habilité » de la préposition « à » et du complément « administrer le médicament au patient » et nous avons lié au deuxième adjectif « pressé » la préposition « de » et un autre complément « de le faire », qui correspond également à « administrer le médicament au patient ».
E. Anacoluthe présente dans une phrase comportant une apposition qui ne précède ni ne suit directement le mot auquel il se rapporte.
L’apposition est un nom, un adjectif qualificatif, un participe passé employé seul ou un pronom placé auprès du nom ou du pronom auquel il se rapporte pour le situer, en préciser le sens ou pour y ajouter une qualification.
- Exemples :
Paris, Ville Lumière, est la capitale de la France.
Le français, langue de Molière, est parlé sur tous les continents.
Ce chien, aveugle et blessé, erre dans la rue.
Doué, il ne connait pas ce que c’est que de faire preuve de courage et de persévérance.
Lorsque l’apposition ne précède ou ne suit pas immédiatement le nom auquel il se rapporte, elle constitue un type d’anacoluthe. La phrase est donc fautive et doit être corrigée.
Voyez par vous-même!
- Resplendissante et émerveillée, son père était si fier d’elle.
- Dans cette phrase, le sujet de « resplendissante et émerveillée » pourrait être « la jeune fille » (sous-entendu). L’apposition « resplendissante et émerveillée » doit être immédiatement précédée ou suivie du mot auquel il se rapporte. La phrase contient une anacoluthe et doit être corrigée. Pour ce faire, le sujet de « resplendissante et émerveillée » doit suivre ou précéder immédiatement l’apposition.
- Correction : Resplendissante et émerveillée, la jeune fille savait que son père était fier d’elle.
| Par ailleurs, l’anacoluthe peut être une figure de style qui n’est pas toujours considérée comme une erreur – le plus souvent acceptée (ou tolérée) chez les grands auteurs et les poètes.
Voyez par vous-même :
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